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De l’Afrique au Nouveau Monde

Après deux mois et demi à travers l’Afrique l’Australe, il est temps pour moi de quitter le contient africain pour continuer mon périple en Amérique du Sud. Je poursuis ma remontée vers le nord, quittant le Mozambique et par conséquent l’Afrique Australe, et ralliant Nairobi au Kenya, traversant la Tanzanie. Et c’est de là que je ferai mes “au revoir”s à l’Afrique, avant de prendre mes vols pour São Paulo au Brésil.

Toute bonne chose a une fin. Cette traversée de l’Afrique touche à la sienne. Et mon premier vol en deux mois et demi m’attend le 19 aout à Nairobi au Kenya. Je quitte donc l’Afrique Australe pour un passage express en Afrique de l’Est. Quatre jours de traversée en bus de l’ile d’Ibo aux Quirimbas jusqu’à Nairobi.

Je commence ma remontée finale vers le nord le jeudi 13 aout, laissant dernière moi la belle ile d’Ibo qui m’a si bien traité ces quatre derniers jours. L’objectif du jour : rejoindre Maçimboa da Praia, à plus de 230 kms. Et le lendemain, rallier Mtwara en Tanzanie après avoir franchi la Rovuma River qui forme la frontière entre le Mozambique et la Tanzanie.

Je devrai attendre la fin de matinée pour quitter l’ile, la marée étant maitre ici. Et aucun bateau ne peut quitter le port avant 11h. Ce départ tardif n’est pas idéal, mais je m’adapte comme toujours ici. La traversée en “dhow” prend un peu plus d’une heure. Je jette un dernier coup d’œil à la mangrove et retrouve Tandanhangue, le petit port où Daniel m’a déposé en moto il y a quelques jours. L’arrivée est comme d’habitude très agitée. Nous sommes alpagués par les rabatteurs des chapas qui attendaient l’arrivée du bateau pour nous emmener. Je monte dans un bus et, à ma grande surprise, nous partons assez rapidement, à moitié vide. Je me prépare déjà psychologiquement à une longue attente à Quissanga, me rappelant de l’épisode de Mozambique Island. Et comme prévu, nous attendrons plus de 2 heures qu’un autre dhow, venant d’une autre ile, ne s’approche du port.

Pour l’anecdote, dans le bus, j’ai eu la bonne surprise de voir que les africains pouvaient eux aussi avoir des limites à ne pas dépasser. Car il faut reconnaitre que les africains sont super tolérants. Là où 90% des occidentaux craquerait immédiatement, ils acceptent beaucoup de choses ; qu’on leur monte dessus, qu’on les asperge de je ne sais quel liquide douteux, qu’on mette à l’épreuve leurs cinq sens, bref la liberté des uns ne s’arrêtent pas à celle des autres ici. Mais quand c’est trop, c’est trop ! Une femme est montée dans le bus à Quissanga avec un bébé dans les bras (comme toujours), quand soudain une odeur de mort nous a pris à la gorge. Une odeur de poisson pourri, qui a mariné dans son jus depuis des jours. Le truc qui te donne la nausée en deux secondes. Pour la première fois depuis que je voyage en Afrique, un des passagers a fini par demander d’où venait cette odeur pestilentielle et, après 15 minutes à chercher de l’air pur par la fenêtre, par exiger de le sortir…  Ouf ! Le sac se retrouve pendu aux essuies-glaces, à l’arrière du bus. Et mon odorat est sauvé !

Je m’inquiète pour la suite du trajet. Ces deux heures d’attente à Quissanga compromettent mon itinéraire du jour. Il est déjà plus de 15h et je ne suis même pas encore arrivé à la route principale. Peu de chance de rallier Maçimboa aujourd’hui. Plus question de prendre le moindre risque, je ne souhaite pas me remettre dans la même situation qu’à Maate, mon objectif devient de trouver un hôtel en route !

Par chance, un bus passe au moment où je rejoins l’autoroute et s’en va pour Macomia, à la sortie du parc national des Quirimbas, à une heure de route. Et le chauffeur me garantit qu’il y a des hôtels sur place. Pas de galère pour moi ce soir-là. Je passerai la nuit dans une pension. Et la bonne surprise, c’est qu’on me garantit également que je pourrai passer la frontière avec la Tanzanie le lendemain, comme initialement prévu. Ce petit retard n’a donc pas d’incidence. Non pas que je sois pressé par le temps, mais pour être complètement honnête, il me tarde de quitter le Mozambique !

Le lendemain, je prends un bus à 5h du matin pour Palma. Je passe deux heures plus tard par Maçimboa da Praia. Et deux heures encore après, on me dépose sur le bord de la route, à l’entrée de Palma, en m’indiquant un bus direct pour la frontière. Je serai toujours épaté de voir à quel point tout s’enchaine parfaitement. Les indications sont toujours bonnes. Et on passe d’un bus à l’autre, comme un singe (en sac à dos) saute de liane en liane. A la différence près qu’il faut toujours attendre que le bus suivant ne se remplisse. Celui-ci mettra encore deux bonnes heures.

J’arrive finalement à la frontière en début d’après-midi. Sans surprise, le passage côté Mozambique sera ponctué de trois tentatives de rackets par les fonctionnaires de la douane. C’est effarant… et tellement triste pour un pays d’avoir ses fonctions censées représenter l’ordre si corrompues. Sur tous ces trajets en bus, je pense que nous avons été “contrôlés” plus de 15 fois par la police, qui sans aucune gène collectent par abus de pouvoir de l’argent auprès des passagers et du conducteur.

Nous continuons la route dans le no man’s land jusqu’au bord de la rivière Rovuma, connue pour être un passage de frontière difficile et parfois dangereux. Lire les retours d’expérience de voyageurs sur le net fait froid dans le dos. Les bateaux surchargés, au delà de la ligne de flottaison, qui se retrouvent coincés au milieu de la rivière, et les passagers qui doivent faire le reste du chemin à pied, sacs sur la tête, au milieu des hippopotames et des crocodiles. Sans compter les gens sans scrupules qui te demandent plus d’argent une fois au milieu de la rivière. Bref, le moment que je redoutais depuis deux jours, j’y suis ! Et comme toujours, je suis le seul blanc !

A peine sorti du bus, on se jette sur moi. Les décibels dépassent mon seuil de tolérance. On m’avait prévenu en avance que je devrais payer 1500 schillings (60 centimes d’euro), on m’en demande 20 000, parfois 30 000. Le prix descend finalement à 10 000 (4 euros environ). Puis le ton monte. Les rabatteurs deviennent très agressifs. Et c’est à peine si on me jette pas dans le bateau. Je demande autour de moi quel prix les gens vont payer et tous les locaux qui étaient dans le bus me regardent agacés de négocier, en m’assurant que le prix est bien de 10 000. Je croise quelques sourires en coin entre eux. Mais je finis par jeter l’éponge, la situation m’exaspèrent. Je donne mes 4 euros et on part. Il n’y aura eu aucun échange d’argent avec les 30 autres passagers. Et tout le monde rigolera comme des abrutis, parlant tout le trajet de l’”azungu” (le blanc) comme si je ne comprenais pas qu’on parlait de moi. Eh oui, le blanc a payé le bateau pour tout le monde et on rigole de lui. C’est lamentable, pitoyable même. Je n’ose pas imaginer une situation comme celle-là chez nous, et comment un tel racisme affiché serait perçu.

Je fume de colère pendant cette traversée, dans un bateau troué qui se remplit dangereusement d’eau, mais je ne verrai pas de crocos et on arrivera à destination. Sur l’autre rive, je pose enfin le pied sur le sol tanzanien et je suis de suite invité à monter dans le coffre d’un bus pour Mtwara (ça sonne comme une mauvaise place, mais c’est la place la moins serrée du bus). Un bus qui me coute moitié moins cher que la barque, et qui mettra une heure jusqu’à Mtwara, en nous attendant à l’immigration ! Je suis content de quitter le Mozambique, vraiment ! C’est un soulagement. Le passage de frontière se fera sans aucune difficulté, j’obtiens même un visa de transit, moitié moins cher que le visa tourisme. Et on me dépose au terminal de bus de Mtwara, dans le respect et les sourires.

C’est presque deux ans plus tard que je retrouve cette Tanzanie que j’avais tant aimé en Octobre 2013. Et je suis très content d’y remettre les pieds, même si ce sera que 48 heures. Les gens sont radicalement différents. On me sourit, on essaie de m’apprendre le swahili, on s’intéresse à l’étranger, on me propose de l’aide. Bien sûr, les rabatteurs sont toujours là, et cassent les pieds, mais je me sens de suite mieux ici. Je réserve mon bus pour Dar es Salaam pour le lendemain, trouve un petit hôtel près de la gare routière, mange dans un petit restaurant, avant d’aller me coucher, crevé de ma journée.

Le lendemain, samedi 15 aout, je me réveille tôt, vers les 6h30. Je prends le temps d’aller déjeuner, mon bus étant à 9h30. Et je vais à la gare à 8h30 pour attendre mon bus. Sur place, j’apprends avec stupéfaction que le bus est déjà parti ! La boulette, il y a une heure de décalage horaire en Tanzanie et je n’ai pas pensé à changer ma montre d’heure. Il est donc 9h40 quand j’arrive au comptoir. Je suis vert. Je tombe sur quelqu’un de vraiment aimable qui me met sur le prochain bus de midi sans frais. 10 minutes plus tard il se fait réprimandé violemment, comme on sait si bien crier en Afrique. J’en déduirai que son collègue m’aurait gentiment fait repayer un ticket (à 10 euros quand même)… Donc j’ai tout de même de la chance.

Mais ce retard me coutera quand même bien cher. Car le bus de 12h arrivera avec 2h30 de retard. La loi de Murphy quoi. Mon bus à moi partait pile à l’heure, le suivant a du retard. Résultat : au lieu d’arriver vers 16h, c’est à 22h que j’arriverai à Dar es Salaam. Et en plus, mon bus pour Nairobi du lendemain part à 5h30 du matin à l’autre bout de la ville, à plus d’une heure de transport d’où je suis. Je dois donc absolument m’y rendre le soir même. Par chance, un des passagers du bus me voit lutter avec les conducteurs de taxi qui me demandent une fortune et m’indique un bus local qui s’y rend. Je monte du coup avec lui, car il y va également. Vers 23h, le bus nous dépose et mon petit samaritain négocie pour moi un tuk-tuk pour me déposer au bureau d’où part le bus le lendemain. Une fois que le tuk-tuk m’a indiqué où était le bureau, je lui demande de me trouver un hôtel à proximité et il me trouve un endroit dans mon  budget à 200 mètres à pied. Le réceptionniste de l’hôtel me propose de m’escorter le lendemain (à 4h30 du matin quand même !) pour aller prendre mon bus.

Une journée qui commence mal mais qui se termine comme prévu, encore une fois. Je me sens tout de même porté et protégé par un petit ange gardien, qui veille sur moi en permanence. Tout se joue sur un rien. Je suis comme en équilibre sur un fil. Et je suis touché par tous ces gens qui sont sur ton passage et t’aide sans rien attendre en retour et surtout sans réaliser à quel point leur petite contribution peut être essentielle à ton parcours. Le destin ?

La nuit sera courte, mais réparatrice. Ce dimanche 16 aout, le réceptionniste vient frapper à ma porte comme promis et m’escorte jusqu’au bus. Il attend le départ avec moi et nous discutons du Mozambique et de la Tanzanie. Etonnement, il partage mon regard sur le Mozambique et m’explique que, même en tant que noir, voyager au Mozambique est difficile dès lors tu ne parles pas le portugais. Mon bus part à l’heure et la longue route jusqu’au Kenya commence.

Je finis ma nuit les premières heures. Puis je passerai l’essentiel du trajet à lire et observer les paysages. L’approche du Kilimandjaro, dont j’ai fait l’ascension au cours de mon voyage en 2013, m’a rappelé de beaux souvenirs. C’est drôle car je me rappelais des endroits comme si c’était hier… Ce Kilimandjaro, c’était un joli moyen de remonter la pente après quelques mois assez difficiles. De l’eau a coulé sous les ponts depuis… Je le verrai pas ce jour-là, caché dans les nuages. Mais le mont Méru est au rendez-vous.

Je passe la frontière du Kenya une heure après Arusha. Une longue attente, mais pas de complication particulière. Si ce n’est que je ne pourrai pas prendre un visa de transit pour 12h de trop. Et le visa kenyan est plutôt cher… J’arrive à Nairobi vers 21h. Et faisant à nouveau passer ma sécurité avant tout, je prends un taxi jusqu’à mon hôtel. Ne jouons pas avec le feu dans ce genre de capitale.

Quatre jours entiers de bus d’affilés, sans aucune pause. Partant aux aurores le matin, arrivant tard le soir. Voilà comment je terminerai ce long parcours en Afrique. A l’image de ces dernières semaines. Et après 80 jours sur le continent, j’aurai réussi à rallier Nairobi depuis Johannesburg en temps et en heure. Un défi relevé ! Plus de 15 000 kms parcourus, 10 pays traversés, plusieurs centaines d’heures de bus… Et des souvenirs pleins la tête, car j’aurai vraiment eu la chance de visiter des endroits exceptionnels. La fin aura été exigeante et éprouvante, mais toutes ces expériences font aussi partie de l’Afrique et j’en suis plus riche encore désormais.

Je ne ferai pas de safari au Kenya, comme je l’avais prévu. Je passerai les quelques jours restants à me reposer. Et je prends mon vol le 19 aout en fin d’après-midi pour Doha au Qatar. Je passerai la nuit dans le confortable aéroport de Doha et prendrai mon vol pour Paris le 20 à 9h30. Ce retour express par la France ne me permettra même pas de quitter l’aéroport pour me balader dans les belles rues de Paris. Un brin de nostalgie tout de même, surtout quand on sait que les gens que l’on aime ne seront jamais si proches dans les neuf mois restants. Vous me manquez, voilà c’est dit ! En fin de soirée, je reprends l’avion pour São Paulo au Brésil et je fais mes premiers pas en Amérique du Sud le 21 aout à 9h30 heure locale.

Douzième pays traversé et le début de six mois en Amérique latine. Une étape grandement attendue. Un continent qui me fait rêver depuis toujours et que j’aurai volontairement mis de côté toutes ces années à voyager pour le découvrir par la terre pendant plusieurs mois. Une nouvelle étape commence. Le périple prend un nouveau souffle.

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