C’est en Equateur que j’ai finalement décidé de visiter l’Amazonie sur ce voyage. Plus précisément au parc de Cuyabeno au nord-est du pays, le long de la frontière avec la Colombie au nord et avec le Pérou à l’est. Quatre ans après ma première expérience dans la jungle amazonienne, c’est dans un tout autre mode que j’aborderai cette partie de la forêt. Basé dans un lodge, le Caiman Lodge, nous irons explorer les environs lors d’excursions de quelques heures deux à trois fois par jour.
Lundi 23 novembre, j’arrive à Lago Agrio après une nuit bien réparatrice à bord d’un bus en provenance de Quito. C’est sous une pluie battante que je découvre la ville frontière avec la Colombie. Je rencontre deux français, mère et fille, à la sortie du bus et nous allons ensemble en centre-ville au point de rendez-vous où un bus doit venir nous récupérer pour nous emmener au cœur du parc national de Cuyabeno, où je passerai les cinq prochains jours.
Le bus nous dépose à l’entrée du parc de Cuyabeno, à deux heures de Lago Agrio. De là, une pirogue nous attend, et nous allons descendre le cours de la rivière Cuyabeno jusqu’au Caiman Lodge, deux heures plus loin. C’est le début de l’aventure amazonienne ! Et elle se fait sous une pluie toujours battante. C’est donc sous de longs ponchos que nous découvrons le cadre qui sera le nôtre les prochains jours. Nous faisons quelques arrêts en route pour observer des oiseaux ou des arbres. Puis la pluie devient tellement forte que nous traçons jusqu’au lodge.
Le lodge est situé sur le bord d’une rivière, à une minute de la Laguna Grande, le plus grand lac de la réserve autour duquel nous passerons l’essentiel de notre temps à Cuyabeno. Au milieu de la végétation, le lodge est super bien aménagé. A peine arrivé, je sens déjà que je vais m’y plaire. Des hamacs sont pendus un peu partout, le bruit des oiseaux est reposant. Je partage ma chambre avec un allemand, très allemand, et particulièrement agaçant, mais la vie est belle, ça me passe au dessus de la tête…
La pluie cesse en milieu de l’après-midi. Juste à temps pour notre première sortie en bateau au milieu de la Laguna Grande, pour faire trempette et voir des dauphins roses. L’eau est à parfaite température, le cadre est magique. Notre ami allemand amusera la galerie par ses bizarreries, ne souhaitant pas se baigner par peur du fameux poisson attiré par l’urine, qui vient se loger dans la vessie en passant l’urètre. Un scénario cauchemardesque il faut le reconnaitre, mais pourtant sans risque d’après notre guide si l’on ne fait pas pipi dans l’eau…
Les dauphins roses sont au rendez-vous et s’amusent autour du bateau tandis que nous nous baignons. Il faut bien se baigner au milieu du lac pour éviter de se retrouver nez-à-nez avec un caïman ou un anaconda. Le premier plongeon dans l’eau est assez angoissant je dois avouer mais on oublie très vite les piranhas ou autre prédateurs aquatiques. Après tout, il faut faire confiance à notre guide, qui connait mieux la jungle que nous.
Sur le chemin du route jusqu’au lodge, nous partons à la recherche de caïmans ; la nuit tombée, ils sont en effet plus faciles à repérer, leurs yeux se reflétant à la lumière de nos torches. Nous en voyons un près du lodge, la tête hors de l’eau, caché sous un buisson. Ca deviendra la tradition le reste de la semaine de rentrer le soir à la recherche caïmans ou de serpents.
Le lendemain, le temps est radicalement différent ; le soleil est parmi nous ! Nous allons faire une randonnée dans la jungle. Nous rejoignons le sentier à bord d’une pirogue non motorisée que l’on manœuvre à la pagaie. C’est un moyen très agréable de se déplacer sur les eaux de la jungle. Les animaux sont moins craintifs, ce qui augmente les chances d’en voir en chemin. Nous marchons quatre heures dans la jungle. Notre passons la ligne de l’Equateur en plein milieu de la jungle, bien plus cool que la Mitad del Mundo près de Quito… Notre guide nous arrête à peu près tous les trois mètres (sans plaisanter) pour nous montrer une liane, un arbre, un insecte, une grenouille, un oiseau, et j’en passe. Toute une multitude de faune et de flore endémique qui font la magie de la forêt amazonienne.
Chaque plante a une utilité pour l’Homme, quelle soit mangeable, toxique ou ayant seulement une utilité pratique. Je suis impressionné par la connaissance que l’Homme a accumulé au fil des années, avant même l’arrivée de la Science, transmise de génération en génération de bouche à oreille. Tous les essais qu’il a fallu faire pour identifier ce qui se mange ou ce qui soigne. Et le nombre de morts qu’il a du y avoir parce qu’un tel avait mangé ou touché la mauvaise plante, le mauvais champignon ou le mauvais animal. Les habitants de la jungle sont une véritable mine d’informations… Et nous, si loin de tout ça, on se sent bête quand on se retrouve face à arbre à latex, dont la sève est le précieux latex si utile à la vie courante. Je ne savais pas que le latex était végétal…
Nous regagnons le lodge vers les 14h, où notre déjeuner nous attend. Deux petites heures de repos, et nous repartons en bateau à moteur pour la lagune. On cherche un anaconda dans un arbre où il aurait été aperçu il y a quelques jours, mais sans succès. C’est déjà l’heure du coucher de soleil, et nous retournons dans la lagune pour le voir. Les conditions sont toutes réunies pour voir un coucher de soleil sensationnel. Et très franchement je pense que c’est le plus beau de ce tout ce voyage, si ce n’est de ma vie ! Les couleurs sont incroyables, on croirait avoir être transporté dans une peinture. La baignade dans un tel cadre est un luxe sans prix. Cela donnera même des ailes à notre allemand, qui finit par plonger dans l’eau. Les dauphins sont évidemment au rendez-vous aussi pour parfaire le moment. Vraiment, l’un des plus beaux moments de ce voyage !
Le troisième jour, nous partons pour la journée rendre visite à l’une des communautés qui vit au bord du Cuyabeno. Nous faisons du pain de manioc, en compagnie de l’une des habitants de la communauté. C’est passionnant ! Et très bon ! Nous rencontrons ensuite un shaman, légèrement éméché, qui nous explique son rôle et les pouvoirs de l’ayahuasca, boisson hallucinogène faite à base de la liane ayahuasca. Le shaman boit l’ayahuasca et rentre en transe. Ses hallucinations lui révèle de quelle maladie est atteint son patient et lui dicte le traitement à employer pour la guérison. Drôle d’expérience, qui me rappelle la rencontre avec une femme shaman au Lesotho.
En route, nous voyons de nombreux primates en tout genre, notamment un paresseux accroché dans un arbre et des singes dont j’ignore le nom. Nous manquons de peu un anaconda, effrayé par un bateau juste devant nous. Mais nous voyons une multitude d’oiseaux, de perruches, de cacatoès ou autre sorte de perroquets.
Nous terminons la journée par un nouveau coucher de soleil dans la lagune, suivie d’une session “caiman spoting”. On verra un caiman et un boa accrochée sur la branche d’un arbre. Et enfin, nous allons faire une promenade de nuit dans la jungle, le meilleur moment pour voir un maximum d’animaux. On verra des quantités cauchemardesques d’araignées, certaines mygales dépassant la taille d’une main, des scorpions, des grenouilles, des chauves-souries, des mantes religieuses, et autres insectes en tout genre. Difficile de trouver le sommeil après avoir vu tout ça… Mais heureusement la fatigue de cette longue journée m’assommera rapidement.
Le jeudi, sous un soleil radiant, nous refaisons un tour en pirogue non motorisée. A la force de nos bras, nous allons voir d’autres lagunes, et en profitons pour nous baigner. L’après-midi, nous allons faire une nouvelle marche dans la jungle, avant d’aller voir un nouveau coucher de soleil majestueux sur la lagune. C’est tellement agréable de se baigner dans cette lagune ; cela donne envie de rester plus longtemps…
Le dernier jour, nous nous levons aux aurores, pour aller voir le lever de soleil dans la lagune. A cette heure, les oiseaux sont de sortie et on peut en voir de nombreuses espèces. On revoit un nouveau paresseux, pendu sur la cime d’un arbre. C’est sur ce joli moment que nous faisons nos adieux à cette lagune enchantée. C’est hélas la fin de ce séjour de rêve en Amazonie. Nous quittons le lodge vers 9h30 pour rentrer jusqu’à Lago Agrio. Même itinéraire qu’à l’aller : deux heures en pirogue jusqu’à l’entrée du parc, puis deux heures en bus jusqu’à Lago Agrio.
Je suis très content de mon choix pour retourner en Amazonie. La première fois que j’y suis allé il y a quatre ans, c’était dans la jungle colombienne, dans les environs de Leticia, dans un mode un peu plus aventurier, avec un séjour itinérant de plusieurs jours à travers la jungle. On dormait dans des hamacs dans des camps improvisés à la machette par nos guides, et quelques fois dans des lodges trouvés en chemin. Ce séjour en lodge à Cuyabeno a été étrangement très reposant. Je repars détendu, avec l’impression d’en avoir vu autant que la première fois en Amazonie (et aucun caïman n’a tenté de me manger cette fois-ci… ).
A l’exception du premier jour, nous avons eu un très beau temps tout le séjour. Des averses passagères rafraichissent l’atmosphère. L’air n’était pas si étouffant que ce que j’attendais, il semblerait que j’y sois allé à la bonne saison. Etrangement, il n’y avait quasiment aucun moustique, ce qui clairement change de ma première expérience où l’on devait s’asperger d’un produit toxique en permanence pour éloigner les énormes moustiques qui nous menaçait. Et pas de malaria à Cuyabeno, donc pas besoin de prendre le traitement anti-paludique, ce qui fait toujours plaisir.
Arrivé à Lago Agrio, je vais visiter un parc, proposé gratuitement par la ville, et qui abrite toute sorte de caïmans et de serpents. A défaut d’avoir vu des anacondas dans la nature, j’en verrai un derrière une vitre dans le parc… Et pas mal de boas. C’est une jolie conclusion à ces quelques jours dans la jungle.
Je repars le soir en bus de nuit, direction Tulcán, autre ville frontalière avec la Colombie. La prochaine étape étant en effet mon vingtième pays sur ce tour du monde : la Colombie. J’aurais pu en théorie passer la frontière à Lago Agrio, mais elle est apparemment trop dangereuse. Je prendrai donc un bus direct jusqu’à la seule frontière sure entre l’Equateur et la Colombie, Tulcán-Ipiales. Une des traversées en bus de nuit les plus inconfortables et mouvementées de ce voyage, mais ça je vous le raconterai bientôt !