Après un peu plus de trois mois, j’arrive enfin en Colombie, le pays le plus au nord de ma traversée en Amérique du Sud. Et c’est la troisième fois que j’ai la chance de visiter ce pays que j’aime énormément. C’est donc très excité que je quitte l’Equateur pour découvrir le sud-ouest du pays, que je ne connais pas du tout. Au programme : le sanctuaire de Las Lajas, la ville blanche de Popayán, les superbes régions agraires de San Agustín et Tierradentro, connues pour les statues et tombes, vestiges d’une civilisation pré-colombienne très mystérieuse, et enfin l’étrange désert de Tatacoa, au milieu d’une région fertile.
De retour d’Amazonie, je quitte Lago Agrio le vendredi le 27 novembre, direction Tulcán, l’unique point d’entrée sécurisé vers la Colombie depuis l’Equateur. On m’avait prévenu : le bus direct pour Tulcán que je compte prendre ne sera pas de tout confort. Il passe par la jungle et une route non pavée particulièrement mouvementée. Et bien je confirme, ce bus n’a rien de confortable. C’était à la limite du sketch, je me serais parfois cru dans une machine à laver. Autant dire que ce bus de nuit ne me donnera pas beaucoup d’heures de sommeil.
J’arrive à Tulcán à 4h30 du matin… En pleine nuit donc. Ne trouvant pas le terminal où l’on me dépose particulièrement engageant, je décide de prendre un taxi direct pour la frontière. Je préfère attendre la levée du jour là-bas, au moins c’est sécurisé. A la frontière équatorienne, on m’envoie faire des photocopies de mon passeport pour les envoyer à Quito, la frontière par laquelle je suis rentré dans le pays n’étant pas informatisée et aucune trace de mon entrée dans le territoire figurant donc sur leur système informatique.
Ce contre-temps permettra d’attendre le lever du jour. Je peux donc traverser le pont jusqu’en Colombie. Passage sans complication côté colombien. Et me voilà dans un “collectivo” pour le terminal de bus d’Ipiales. Le but du jour est de rejoindre Popayán, capitale de la région de Cauca, à huit heures de la frontière. Mais avant cela, on m’a conseillé d’aller visiter l’église de Las Lajas, à 5 kms d’Ipiales. Je dépose mon gros sac à la compagnie de bus qui m’emmènera jusqu’à Popayán et prend un taxi pour Las Lajas.
L’église vaut effectivement le détour. Construite contre une falaise au cœur d’un canyon, on la croirait tout droit sortie d’un conte de fée. A 7h du matin, je croise des hordes de fidèles qui se dirigent vers l’église et se font prendre en photo fièrement devant la maison de Dieu.
De retour au terminal, je prends mon mini-bus pour Popayán. On m’avait annoncé une durée de 6h ; on en mettra 8h. On fait une pause déjeuner en route pour couper un peu le trajet. Je dormirai l’essentiel du trajet, ce qui me permet de rattraper les heures de sommeil que je n’ai pas eu dans le bus de nuit depuis Lago Agrio. Je voyage de jour volontairement sur ce trajet car il n’est pas recommandé de prendre un bus de nuit ici, la route étant encore aujourd’hui régulièrement frappée par des attaques de voleurs armés la nuit.
J’arrive à Popayán à 15h30. Un taxi me dépose à mon auberge et j’ai tout juste le temps de faire un tour dans le centre-ville avant la nuit. L’architecture coloniale des bâtiments est pleine de charme. Les bâtiments sont blancs, si bien qu’on l’appelle la “ville blanche”. Je suis tout content de retrouver des petits détails que j’aime de la Colombie. Je sens que je vais adorer les prochains jours.
Le lendemain, je rejoins à nouveau le terminal de bus où j’étais la veille et je prends un mini-bus pour San Agustín. Quatre heures et demi de trajet m’attendent jusqu’à destination. La route est superbe. Des étendues de plantations de café et des bananiers à perte de vue. San Agustín, c’est un endroit que je rêve de visiter depuis plusieurs années, depuis que j’ai vu quelques photos postées par un ami colombien sur son profil Facebook. Il était donc tout naturel d’y passer venant d’Equateur, étant clairement sur ma route. A dire vrai, c’est aussi l’une des raisons qui a fait que je suis venu en Equateur, au lieu d’entrer en Colombie par l’Amazonie depuis Iquitos comme je l’avais initialement prévu. La région du sud-ouest de la Colombie me faisait vraiment envie. C’est drôle parfois comme on peut être marqué par une photo qui nous inspire.
J’arrive à San Agustín vers midi et demi, après avoir été déposé à un carrefour et confié à un taxi pré-payé qui me fait faire les derniers kilomètres jusqu’à San Agustín. Dans ce taxi, une femme, agent de voyage évidemment qui m’attendait à la sortie du bus, m’explique tout ce qu’il y a à voir dans les environs. Je prévois mes prochains jours avec elle et négocie un tour à cheval l’après-midi puis un tour des environs en jeep le lendemain, deux façons classiques de découvrir la région.
Je trouve une excellente petite auberge, tenue par un français, La Casa de François, sur les hauteurs de San Agustín. La vue y est magnifique. Le cadre me rappelle un peu Vilcabamba en Equateur ; une jolie vue, un superbe jardin reposant et des hamacs à chaque coin. Je vais m’y plaire, ça c’est une certitude. A peine arrivée, je tombe par hasard sur Florian et Giulleta, que j’avais rencontré tous deux à Quito, et qui sont dans la même auberge depuis quelques jours. C’est toujours drôle ce genre de rencontre fortuite.
Et le hasard veut que Florian va justement lui aussi faire un tour en cheval l’après-midi. Avec deux autres français, nous partons en début d’après-midi pour quatre heures de randonnée à cheval dans les environs de San Agustín. Il s’agit d’une première pour moi ; je ne suis jamais monté à cheval. Et c’est aussi tout le charme de cette balade. On me confie à un cheval plutôt calme, et obéissant. Cela devrait donc se passer sans souci.
Nous passons par différents sites archéologiques où des statues, taillées dans de la roche volcanique, ont été découvertes. Elles sont plutôt bien conservées et assez terrifiantes. On ne sait pas grand chose du peuple qui aurait érigé ces statues de pierre. Aucun écrit n’a été trouvé ; les seuls restes de cette civilisation sont ces statues et des poteries retrouvées dans la région. Ce peuple aurait vécu du VIe au XIVe siècle de notre ère. Plus de 500 statues ont été retrouvées à ce jour autour de San Agustín.
Les paysages sont exactement comme l’image que j’avais gardé en tête de ces photos. Des collines couvertes de plantations de café, de banane et canne à sucre. Un paysage vert de toute beauté. Les découvrir à dos de cheval est une belle expérience. Par contre, ayant une côte déplacée depuis quelques temps, cette petite excursion a réveillé la douleur… Je ne pensais pas que faire du cheval était si physique.
Le lendemain, c’est en jeep que je vais découvrir le reste de la région. A l’arrière du 4×4, nous faisons une jolie boucle dans les alentours et partons à la découverte de plusieurs sites archéologiques majeurs avec plusieurs douzaines de statues, accompagnées de tombeaux. Elles sont là comme pour protéger les tombeaux. Nous allons voir également deux chutes d’eau, assez impressionnantes. Je commence à devenir un expert en chute d’eau, vu la quantité que j’ai croisé sur ma route depuis Juin, mais je ne me lasse jamais d’en voir. Elles ont toutes leur charme.
Nous allons également visiter une fabrique de “panela”, sorte de sucre brun dont raffolent les colombiens. On voit le procédé de l’extraction du jus de la canne à sucre, à la cuisson du jus jusqu’à obtenir une sorte de caramel et le moulage des pains de panela. Le région du Cauca produit l’essentiel de la panela consommée dans le pays, et vu les étendues de plantations de canne à sucre et le nombre de fabrique de panela, je veux bien le croire.
Mardi 1er décembre, voilà exactement six mois que l’aventure a commencé, et j’arrive à la moitié du parcours. Difficile de réaliser tout le chemin parcouru ; cela parait à la fois si proche et si loin. Vingt pays traversés, plus de 40 000 kms parcourus par la route, et plusieurs centaines d’heures de bus (je ne compte plus…).
C’est sur cet important jalon que je reprends la route et quitte San Agustín pour le site archéologique de Tierradentro, à plus de six heures de bus. Petit marathon de bus jusqu’à destination : 1h jusqu’à la ville de Pitalito, 3h jusqu’à La Plata, 2h jusqu’à Tierradentro. J’adore ce genre de journée, où tous les transports s’enchainent très bien. Et on voit du paysage ! Les routes, surtout entre La Plata et Tierradentro ne sont pas toutes pavées. Je ferai d’ailleurs le dernier tronçon du trajet à l’arrière d’une jeep, ce que j’adore. Le vent dans les cheveux, on se sent tellement libre. Un véritable sentiment d’aventure.
J’arrive vers 15h30 à Tierradentro. Le site fermant à 16h, je ne pourrai rien voir ce jour. Je peux donc me reposer tranquillement et me balader dans les environs. Les paysages sont assez similaires à ceux de San Agustín, du café et de la banane et des collines. Le lendemain, je me lève tôt pour aller visiter le site archéologique à l’ouverture.
Tierradentro est un site où ont été découvertes des reliques d’une civilisation très proche de celle de San Agustín. De nombreuses statues et poteries, tout comme à San Agustín ont été mises au jour, ainsi que des tombeaux dont les décorations intérieures sont très artistiques. Certains de ces tombeaux sont double millénaires.
La visite du site est assez rapide. Quelques heures suffisent pour faire le tour des tombeaux ouverts aux touristes. Ils sont entièrement vides, ce qui enlève un peu au côté macabre de la visite. Mais c’est vrai que passer d’une tombe à l’autre n’est pas non plus très excitant. Parmi la vingtaine de tombeaux que je verrai, quatre retiendront mon attention. Les motifs peints sur les murs ainsi que les figures sculptées dans la pierre sont très beaux.
La visite terminée, je quitte Tierradentro vers midi, direction le désert de Tatacoa, encore plus au nord. Je dois reprendre une jeep jusqu’à La Plata, puis enchainer avec un bus jusqu’à Neiva, à trois heures au nord. Et de là, une jeep me mène jusqu’au désert de Tatacoa en un peu plus d’une heure. Je rencontre trois autres backpackers à l’arrière de la jeep, un colombien, une allemande et une hollandaise. Nous sympathisons tout le trajet, si bien que nous resterons dans la même auberge et visiterons le désert ensemble.
Pour la première fois depuis plus de deux mois et demi (depuis Salto en Uruguay), je peux ressortir ma tente et camper. Rien de plus agréable que de camper dans le désert… Je suis tout content de camper ce soir là, cela me rappelle carrément l’Afrique avec un climat aride très similaire.
Le désert de Tatacoa est une bizarrerie de la nature car il est littéralement entouré de montagnes, qui reçoivent de l’eau en abondance ainsi que de terres fertiles autour. On passe en cinq minutes d’un paysage vert aux terres arides d’un désert. C’est assez frappant. Ce qui attire les touristes ce sont les jolies formations géologiques du désert. Elles me rappellent un désert que j’avais traversé en Espagne, proche de Saragosse.
Comme nous sommes dans un désert, c’est forcément l’endroit idéal pour observer les étoiles. Nous allons tous faire un tour astronomique, très similaire à celui que j’ai fait à San Pedro de Atacama au Chili. Mais pour honnête de qualité bien moindre à celui d’Atacama. La visibilité du ciel, certes meilleure qu’ailleurs, n’a absolument rien à avoir à celle du désert d’Atacama. Et pour la présentation, j’avais vraiment préféré le tour d’Alain Maury ; le fait qu’il soit en français y est peut-être pour quelque chose aussi, mais il me paraissait mieux présenté et plus complet. Ce qui était intéressant c’est de voir comme le ciel change par rapport à l’hémisphère sud. Au niveau de l’Equateur, on voit à la fois le ciel de l’hémisphère nord et celui de l’hémisphère sud… C’est la tête dans les étoiles que je camperai ce soir là, littéralement.
Jeudi 3 décembre, je me lève vers 6h30 pour visiter le désert dans la fraicheur matinale. Avec mes trois compères, nous avons décidé de louer des vélos et faire une balade jusqu’à la Piscina, une piscine avec de l’eau naturelle. Rien de très extraordinaire à vrai dire, si on n’était pas dans un désert. Mais comme on est dans un désert, la piscine devient une attraction… Près de la piscine, un petit sentier passe au milieu des fameuses formations géologiques qui font la particularité de ce désert. C’est le clou de la visite, les paysages sont très beaux. Au final, on fera un tour en vélo d’une vingtaine de kilomètres, c’était super agréable.
Voilà qui fait conclut avec brio ce petit itinéraire au sud-ouest de la Colombie. En début d’après-midi, je rejoins Neiva, où je prendrai un bus de nuit le soir pour Medellín, le territoire du terrible Pablo Escobár. J’y passerai le week-end avant de rejoindre la région de San Gíl, à l’ouest de Medellín.