Changement radical de décor : je quitte les terres arides et désertiques de la Namibie pour rejoindre le nord du Botswana et son delta intérieur, le Delta d’Okavango, le deuxième plus grand au monde, après celui du Niger. L’eau est partout et la vie aussi ; le delta abrite une grande variété d’animaux, dont 400 espèces d’oiseaux et les mythiques mammifères d’Afrique, y compris le Big Five. La meilleure façon de découvrir la région, sa faune et sa flore, est à bord d’un makoro, une pirogue locale, pour remonter l’une des ramifications du delta. Je partirai trois jours sur les eaux du delta, avant de prendre un peu de hauteur et survoler le delta en avion.
Je pars pour le Botswana le jeudi 9 juillet en fin d’après-midi. Je prends un mini-bus à Windhoek pour rejoindre le village de Ghanzi, à deux heures de la frontière. Ghanzi est la porte d’entrée du Central Kalahari, une petite bourgade au milieu de nulle part. Je n’y resterai qu’une nuit, en transit pour Maun, premier village sur le bord du delta. Six heures de route pour rejoindre Ghanzi dans un premier temps ; passage de frontière plutôt facile cette fois-ci, mais arrivée tardive à Ghanzi. Deux heures du matin… pas vraiment idéal pour une première nuit au Botswana. Heureusement, grâce à mon ange gardien, une guest house m’attend sur place et m’ouvre ses portes pour que je pose ma tente pour la nuit dans le jardin.
Je poursuis mon trajet le lendemain en début de matinée. La gérante de la guest house me salut le matin avec beaucoup d’enthousiasme et n’a pas l’intention de me faire payer pour la nuit dans son jardin. Un premier geste qui me fait réaliser que je viens de mettre les pieds dans la vraie Afrique, celle que j’aime. Où les gens sont simples, ont le sourire, rit et accueille l’étranger les bras ouverts. Le chemin jusqu’à la gare de bus, que je fais à pied avec mes sacs, à quelques kilomètres de la guest house, me le confirmera. Tout le monde me lance des “yebo” (salut !) avec le sourire et me demande où je vais, m’indique le chemin.
Petit coup de stress à l’arrivée à la gare de bus. Déjà l’horaire que l’on m’a indiqué pour le bus n’était pas bon et je suis arrivé trop tard. Je dois attendre deux heures pour le prochain bus qui doit passer, à un arrêt où rien n’indique qu’il va à Maun. Il faut que je retire de l’argent, je n’ai pas un pula sur moi. Et arrivé devant le distributeur, gros moment de solitude devant le digicode ; impossible de souvenir de mon code. En réalité, j’avais le code en tête mais, sans savoir pourquoi, je me persuade qu’il s’agit de mon ancien code… Première tentative : code incorrect. Je n’insiste pas et je sors mon joker : ma carte bancaire de secours. Je tape mon code. Code incorrect. Me voilà avec deux CB et je suis incapable de me souvenir de mes pins. Le comble. SMS à mon papa d’amour, sur qui je peux toujours compter, et il finit par me communiquer mes codes quelques minutes plus tard ; par chance, je les avais mis de côté dans mes dossiers chez mes parents.
Mon bus passe comme les locaux me l’ont dit, à l’endroit et à l’heure indiqués. J’arrive vers 15h à Maun. Et je rejoins mon lodge, le Old Bridge Backpackers à 11 kms à l’extérieur du village. Un petit paradis, sur le bord de la rivière. J’y ai à peine mis les pieds que je sais déjà que je vais m’y plaire. On s’y sent bien immédiatement. L’atmosphère, le cadre, le personnel adorable ; tout donne envie d’y rester plusieurs jours. Sur le bord de la rivière, on peut observer des crocodiles, immobiles au milieu des vaches et des ânes qui viennent s’abreuver.
Je me laisse un jour de repos pour profiter de ce petit paradis sur terre. Et je pars le samedi 11 juillet pour trois jours et deux nuits dans le Delta d’Okavango. Ce voyage est “self-catered”, c’est-à-dire que je dois avoir mon propre matériel de camping, ainsi que ma nourriture pour les jours à venir. Ma journée de repos m’aura permis de me ravitailler. Nous partons en bateau rapide à 8h du matin et remontons la rivière jusqu’à un petit “port” à l’entrée du delta. On m’attribue un guide, Emmanuel, qui me fera découvrir le delta pendant ces trois jours à bord de son makoro, une pirogue en bois construite de manière artisanale en creusant le tronc d’arbres spécifiques de la région.
Le guide dirige le makoro debout à l’arrière de la pirogue à l’aide d’un long bâton. La rivière étant peu profonde, il propulse le bateau en touchant le fond. Mais il a une technique pour faire avancer le bateau même en eau profonde. Le makoro n’est pas très stable ; je suis assez impressionné de le voir rester en équilibre à l’arrière, tout en manœuvrant l’embarcation, même dans les endroits les plus délicats.
Trois heures durant nous remontons le cours du fleuve, par des petits canaux au milieu des hautes herbes. Parfois, nous sommes carrément en plein milieu des herbes, aucun passage n’ayant été ouverts par les hippopotames. Emmanuel s’arrête régulièrement en route pour me montrer une fleur, une herbe, un arbre, un oiseau et parfois un éléphant, un troupeau de zèbres ou de gnous… C’est relaxant et intéressant…
Nous nous arrêtons sur une ile et faisons notre campement. Nous y passerons les deux prochaines nuits. Au plein milieu de nulle part, en pleine nature. Un coin paisible et sauvage. Avec, au programme, randonnée dans le bush et promenade en makoro dans les lagons environnants.
Les iles regorgent d’animaux et d’oiseaux ; c’est un vrai plaisir de marcher dans le bush à la recherche d’animaux. Bien plus agréable qu’un safari en 4×4 ! On doit marcher plusieurs kilomètres avant d’observer un troupeau d’éléphants, de zèbres, de gnous ou d’antilopes.
La faune ici se mérite. Nous voyons une multitude d’oiseaux, de toutes les couleurs ; certains grands et majestueux. Des autruches qui font la course au loin. Quelques impalas et antilopes craintives qui nous observent de loin et décampent au moindre mouvement. Des éléphants qu’il faut contourner pour ne pas rentrer dans leur territoire ; eux les “kings of land”, comme on les appelle ici, qui n’apprécie guère qu’on vienne s’interposer dans leur recherche de nourriture n’hésiteront pas à charger si l’on s’approche de trop… D’immenses troupeaux de zèbres ou de gnous qui broutent en plein milieu d’une plaine. Quelques waterbucks isolés sur un ilot, prêts à bondir.
On se promène dans le bush, à l’affut du moindre bruit, mouvement. Relevant les empreintes au sol et les excréments, témoignant d’un passage récent ou pas. Des traces de lions par ci, des excréments de chacals par là, un cri de singes ou d’oiseaux alertent de notre présence. Ou bien est-ce celle d’un prédateur en chasse ? Mon guide a l’œil pour tout ; il repère des phacochère à perte de vue, des girafes dissimulées dans les arbres, des oiseaux perchés sur la cime des arbres.
Pour augmenter nos chances de voir des animaux, on n’hésite pas à traverser d’ile en ile à pied, ayant de l’eau jusqu’aux cuisses. Chaque ile abrite des animaux différents ; certains cherchant les grands espaces vierges pour voir arriver les prédateurs, d’autres se cachant dans des iles plus petites et touffues…
Ce que j’ai trouvé d’assez drôle, inquiétant même, c’est que l’on se ballade dans le bush, au milieu de toute cette faune, sans la moindre défense. Pas d’arme. Rien. On espère repérer des lions, des léopards ou autre félins. Mais à la fois, on est content de n’en voir que des empruntes. Car que ferait-on si l’on se trouvait nez à nez avec eux ? Un humain désarmé est une proie bien plus facile qu’un impala, prêt à déguerpir. C’est assez étonnant de voir que les autorités laissent des touristes se promener comme ça dans un environnement si hostile. Voilà qui change radicalement d’Etosha où sortir de son véhicule est formellement interdit… A dire vrai, la plupart des réserves d’Afrique interdisent le bush walk sans “ranger” armé dès lors que des félins y vivent. Mon guide avait l’air de savoir ce qu’il faisait. Il voit apparemment très régulièrement des lions et ne se sent jamais en danger. Mais bon il suffit d’une fois… ça fait froid dans le dos.
Seul hic de ce voyage dans le delta : je suis seul… Ca a du charme au début, on se sent libre. J’aime la solitude, c’est agréable de temps en temps. Mais je dois avouer qu’un ou deux compagnons pour une telle excursion n’auraient pas été de trop. La bonne ambiance d’Etosha me manque. Les jeux au bord du feu, les rires et les délires…
Un de mes moments préférés aura été ce crépuscule en makoro dans un lagon du delta, le deuxième soir. Il y abrite de nombreux hippos et crocodiles. Un endroit absolument incroyable… On peut voir une vingtaine d’hippopotames face à nous, s’exprimant dans un concerto de grognements. Nous sommes très proches, dans notre minuscule embarcation. Un autre makoro est avec nous. Les hippos nous ont repéré et se rassemblent en grand nombre devant nous pour nous intimider et nous avertir ne pas approcher davantage. Certainement la meilleure façon de voir ces énormes pachydermes…
Une très belle expérience donc. Solitaire certes, mais peut-être était-ce la façon la plus adaptée de découvrir cet endroit. J’ai aimé camper sur le bord du delta, sur ce petit bout d’ile au milieu des animaux. Nous avions un feu actif toute la journée et la nuit pour repousser les animaux. Je me sentais vraiment au milieu de la nature. Aucun game drive en 4×4 ne rivalisera à ces quelques jours à mes yeux…
Je suis de retour à l’auberge le lundi 13 juillet. Le lendemain, j’ai décidé de me faire plaisir et de m’offrir un survol du delta en avion. L’ayant découvert de l’intérieur, je ressens ce besoin de voir la vue d’ensemble et me mettre dans la peau de ces nombreux oiseaux qui planent au dessus de nous. Il se trouve qu’un “scenic flight” est relativement bon marché ici et je me réjouis de faire ce baptême dans un endroit aussi grandiose que le Delta d’Okavango.
Nous survolerons le delta à bord d’un petit avion pouvant accueillir sept personnes. J’ai la chance d’être assis à la place du co-pilote. Je suis émerveillé pendant les 60 minutes du vol, qui passent à une vitesse éclaire. La vue est extraordinaire. Se dessinent sous mes yeux les ramifications du delta, ses petits canaux que j’empruntais les jours passés en makoro au milieu des longues herbes. Au milieu, ces iles, où je randonnais, où j’aperçois sous mes pieds éléphants, girafes, hippos gisant au soleil, rhinos (!!), zèbres, autruches et des troupeaux d’antilopes, presque imperceptibles, leur camouflage les confondant avec le bush.
Soudain, ces trois jours dans le delta prennent tout leur sens. Je me sens chanceux d’être dans un lieu aussi magique, où l’on est confronté à la beauté de la Nature et la diversité des êtres vivants qui peuplent cette terre. Comment ne pas protéger des endroits aussi incroyables ? Des endroits où l’on se sent aussi vivant. Et surtout où l’on prend conscience que nous ne sommes pas les seuls à l’être ; c’est cette diversité, qui s’est construite sur des millions d’années, qui nous le rappelle.
Certainement l’un des plus beaux endroits que j’ai été amené de visiter, ce delta c’est aussi moyen très efficace de remettre les pieds sur terre. De sortir de notre bulle. Réaliser que l’on a détruit pour construire, au détriment du reste. Je suis très souvent émerveillé en voyageant par l’intelligence, l’ingéniosité de l’Homme et par les Merveilles que nous sommes capables d’accomplir, de construire. Mais ce genre d’endroits, qui fait faire un bond en arrière, nous rappelle que la Nature avait bien fait les choses toute seule.
L’Afrique, avec ses réserves, m’émerveille de jour en jour. Et j’ai hâte de voir ce que les autres continents ont à offrir. Car au final, c’est ce genre de sentiment que je recherche sur ce tour du monde.
Je kiff grave ta life!
Sa laisse rêveur !